
La performance, cet art vivant et éphémère, est un espace de liberté radicale. Depuis les années 1960, elle est devenue un terrain d’exploration privilégié pour les artistes femmes, qui y ont investi leur corps comme outil de création, de dénonciation, de transformation. À travers des actions parfois choquantes, poétiques ou politiques, elles ont bousculé les codes de l’art… et de la société.
Focus sur ces grandes performeuses qui ont fait de la scène un manifeste vivant.
Marina Abramović – L’art du risque total
Surnommée la “grande prêtresse” de la performance, Marina Abramović a placé son corps au cœur de son œuvre, jusqu’à ses limites extrêmes. Dans Rhythm 0 (1974), elle se tient immobile, invitant le public à utiliser sur elle 72 objets, de la plume au couteau. Le résultat est saisissant : l’artiste devient miroir de nos pulsions. À travers ses performances, elle explore le temps, la douleur, la présence, et la relation avec l’autre.
Carolee Schneemann – Le corps comme récit
Pionnière du féminisme artistique, Carolee Schneemann a utilisé sa nudité et sa sensualité non pas comme provocation gratuite, mais comme langage plastique. Dans Interior Scroll (1975), elle lit un texte extrait de son vagin — un acte devenu emblématique. Son œuvre interroge les tabous, la chair, l’histoire de l’art et la place des femmes dans celle-ci, avec audace et profondeur.
ORLAN – Le visage en mutation
Plasticienne et performeuse française, ORLAN a littéralement transformé son corps en œuvre d’art. Dans une série de chirurgies esthétiques-performances dans les années 90, elle sculpte son visage selon les canons de beauté issus de grands tableaux (la bouche de la Joconde, le front de la Vénus de Botticelli…). Elle interroge ainsi la norme, la féminité, le culte de l’apparence et la notion même d’identité.
Ana Mendieta – L’empreinte du corps dans la terre
D’origine cubaine, Ana Mendieta mêle performance, land art et photographie. Dans ses séries Silueta, elle imprime la forme de son corps dans la nature – sable, herbe, boue – comme une trace éphémère et sacrée. Entre rite ancestral, exil et quête de racines, ses œuvres expriment une profonde connexion au vivant et à la mémoire. Disparue tragiquement à 36 ans, elle laisse une œuvre poignante, encore trop peu reconnue.
Valie Export – L’insoumise provocatrice
Figure phare de la scène autrichienne, Valie Export a toujours défié l’ordre établi. Dans Tap and Touch Cinema (1968), elle porte une boîte sur la poitrine et invite les passants à “toucher le film”. Un geste fort, qui renverse la passivité du spectateur et la sexualisation du corps féminin dans le cinéma. Subversive, politique, elle utilise la performance comme un cri contre les stéréotypes.
Ces grandes performeuses ont refusé les cadres, les galeries, les conventions. En mettant leur corps en jeu, elles ont créé un art immédiat, puissant, parfois inconfortable, mais toujours nécessaire. Leur travail questionne la liberté, la vulnérabilité, l’invisibilisation et place le corps des femmes là où il dérange : au centre.
Prochain épisode : Des mots qui pèsent : Poétesses, romancières et penseuses éclipsées
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